Stefano Casiraghi
a été, dit-on à Côme, le plus beau bébé
de la ville. Il se révèle très tôt un être
de charme et de séduction. Au collège Gallio, à chaque
retour de week-end, un cercle d'amis se forme autour de lui pour l'écouter.
Il fait part de ses projets de futur businessman: "Je ne manquerai jamais
d'argent", leur dit-il. Et il ne se trompe pas. Jusqu'au drame de Saint-Jean-Cap-Ferrat,
la vie de Stefano, tant sur le plan professionnel que privé, est
une réussite.
Pourtant Stefano Casiraghi n'a d'un prince que la prestance et la délicatesse
des traits. Son ascendance est des plus modeste et sa fortune vient du
seul travail de son père, Giancarlo. Loin d'être sa faiblesse,
c'est ce qui fait au contraire sa force. Son père, "un homme qui
s'est fait lui-même", n'a jamais donné à son fils cadet
l'image d'un parvenu.
C'est dans les années 50 que Giancarlo Casiraghi,
fils d'un simple garde barrière et petit instituteur de la localité
de Chiavenna, près de la frontière suisse, commence à
édifier sou par sou sa fortune à la faveur du miracle économique
Italien, et à la sueur de son front. Il s'intéresse d'abord
au commerce du charbon, puis à celui des poêles pour, enfin,
trouver la consécration en bâtissant un petit empire industriel
fondé sur des entreprises d'air conditionné. Avec Fernanda,
la fille d'un bougnat de la banlieue de Milan, il fonde une famille unie
et désormais richissime. Stefano, leur deuxième enfant, naît
le 8 septembre
1960. C'est dans la villa de Fino Mornasco, une demeure entourée
de quatre hectares de parcs, sur les bords du lac de Côme, qu'il
grandit. C'est un enfant sympathique, timide et bien élévé.
Très démocrate déjà, sans jamais se donner
de grands airs, comme tous les siens.
C'est en menant la vie d'un bohême de luxe indépendant et
insouciant que Stefano traverse son adolescence: il est de toutes les modes
et de toutes les révolutions de la sensibilité, il s'affiche
à 17 ans en hippie et participe même à quelques défilés
de mode d'élégance en Italie. Cependant, quelques rides imperceptibles
se profilent déjà sur son front juvénile. Tout ce
qu'il possédera sera aussi le fruit de son propre labeur et sa réussite
ne lui sera pas toujours facile. L'image d'un père qui a réussi
"à la force du poignet" est toujours impressionnante pour un adolescent.
Dans sa quête désespérée d'obtenir l'approbation
de son père, Stefano développe en lui un éternel fond
d'angoisse, qu'il sait pourtant maîtriser par le mélange de
passion et de réflexion qui l'habite. Son ambition est dévorante,
stimulée par un challenge filial. Son emploi du temps est excessif,
ce qui est nécessaire à son équilibre. Poussé
par son père qui ne le laisse pas dans le cocon famillial, Stefano
a très tôt la bosse des affaires et choisit de mettre fin
à des études de gestion médiocres, entreprises sans
intérêts ni motivations, à l'université Bocconi
de Milan. Il gère d'abord, avec son père et son frère
aîné Marco Casiraghi, les affaires familliales puis
fonde une société immobilière qui l'accapare entièrement
pendant quelques temps. Il ne cesse de courir entre l'Europe et l'Italie,
à brûler sa jeunesse dorée, et prétend lui même
qu'il a le génie des affaires: il se considère comme un commerçant-né.
Il s'occupe d'affaires dans tous les secteurs, de l'exportation des chaussures
aux constructions d'immeubles et il dirige des sociétés financières
qui opèrent en Italie, en Afrique et aux Etats-Unis. Mais Stefano
n'a rien d'un agité. Il est raisonnable, réellement. Son
sens des valeurs traditionnnelles -famille, travail, religion, réussite-
lui donne une singulière maturité. Disons que c'est un raisonnable
passionné dont la maîtrise et la réserve cachent ardeur
et persévérance. Il sait mordre la vie à belles dents.
Et le sort va combler le bel Italien.
C'est au printemps 1982, chez des amis communs, que Stefano fait pour la
première fois connaissance de son altesse sérénissime
Caroline,
Louise, Marguerite Grimaldi, princesse de Monaco. Il a vingt et un
ans et demi, elle en a vingt-cinq. Caroline semble tout de suite séduite
par le charme un peu mystérieux du beau Stefano. Par ce visage généralement
impassible où flotte un léger sourire, un peu triste, un
peu semblable à celui de la Joconde de De Vinci. Le jeune homme
est brillant, solide, mais discret aussi. Il a le visage lisse et énigmatique
des beaux jeunes gens que l'on aperçoit sur les tableaux italiens
de la Renaissance. C'est un homme sensé, travailleur, raffiné,
conservateur et intelligent. En lui, Caroline retrouve beaucoup de sa mère.
Grace
Kelly était d'une nature douce et posée, indépendante
et introvertie. Elle était blonde, lointaine. Elle avait le puritanisme
discret, le sang-froid jamais pris en défaut de la bonne société
américaine de la côte-est.
L'orsqu'il rencontre Caroline en mars 82, Stefano met abruptement fin à
une liaison de cinq années avec Pinuccia Macceda une gracieuse brune
de vingt-quatre ans qui déclare cependant garder un souvenir exquis
de cette relation, et reconnait avoir connu cinq années de bonne
humeur. A Stefano, on ne connait pas de liaisons avec des femmes
plus jeunes que lui: ainsi connu t-il une actrice, Dalila di Lazzaro, qui
avait sept ans de plus. Il eut aussi une relation avec Marina Perzy, de
cinq ans plus âgée.
Le hasard les fait se retrouver peu de temps après dans le hall
de l'hôtel de Paris, à Monte Carlo. Pour tromper les photographes,
l'éxubérante Caroline continue de se montrer en compagnie
de Robertino Rossellini, son "ami d'enfance", qui joue encore le
jeu loyalement. On croit le fils d'Ingrid Bergman et la fille de
Grace Kelly inséparables, mais c'est Stefano que Caroline court
retrouver, grâce à la complicité d'une chaîne
d'amis comprenant Marco Balestri, Antonio Varenna, Hélène
Boitel et Marina Palma. De cette époque, Stefano se souvient et
raconte: "En fait, je connaissais de vue la princesse Caroline depuis deux
ans. Nous avions des amis communs et je l'ai rencontrée à
diverses reprises au cours de soirées. Sans plus. A la fin du mois
de juin, nous avons compris l'un et l'autre que l'on avait envie de se
voir tous les jours; des amis communs nous ont invités pour une
croisière en Corse. A la fin de cette croisière, nous avons
passé dix jours ensemble en Sardaigne. Seuls. Et nous sommes rentrés
à Monte-Carlo où nous ne nous sommes plus jamais quittés".
Depuis le mois de septembre, la tendre inclination qui lie Caroline à
Stefano devient quasi officielle. Les photographes et chroniqueurs n'en
savent toujours rien, mais la princesse est présentée aux
Casiraghi, qui l'accueillent de plus en plus fréquemment à
la villa Cigogna, un château de cinquante chambres où les
tapisseries datent notamment du milieu du XIXème. Soudain, début
décembre 1983: les "confidences" des journeaux italiens, une rumeur
insistante, la couverture des grands magazines français, Stefano
entre en scène officiellement. Le 19 décembre tombe un communiqué
du palais, laconique mais sans équivoque: "Son altesse sérénissime
le prince Rainier de Monaco est heureux d'annoncer le mariage de
SAS la princesse Caroline avec Mr Stefano Casiraghi. Il sera célébré
au palais princier le 29 déc.". Dans Gente, Stefano joue
déjà les vedettes en accordant sa première interview;
le futur mari se félicite de ce que sa future femme "aime la maison,
les fourneaux, l'art, la musique, la littérature", et assure: "Nous
voulons un enfant, au plus vite. Caroline sera une excellente mère".
Lui-même se considère comme un homme mûr. L'étape
suivante est celle de l'achât de la bague de fiançailles.
Stefano Casiraghi choisit trois saphirs: une pierre bleue, une rose et
une jaune. Le saphir est la pierre de l'amitié et de la sagesse.
Il confère aussi la pureté, et protège les mariages...
Le
29 décembre 1983, pas de cloches sonnant à toute volée,
pas de congés, pas d'afflux de touristes, peu ou pas de portraits
des mariés dans les vitrines. Peu ou pas de drapeaux monégasques
et italiens aux fenêtres. Un mariage pas tout à fait comme
les autres puisqu'il n'y a pas eu de publication de bans et que le consentement
des mariés n'a pas été recueilli par le maire de Monaco
mais par le président du Conseil d'Etat, directeur des services
judiciaires. C'est à la salle des Glaces qu'on droit les vingt-trois
invités de la cérémonie civile. Décor solennel,
puisqu'il s'agit d'une vaste pièce donnant sur la place du palais.
L'austérité en est tempérée par le soleil entrant
à flots par les trois hautes fenêtres, ainsi que par un portrait
en pied de la princesse Grace. A la droite de la table des officiants,
le prince Rainier,
la princesse Stéphanie et le prince
Albert. De face, les mariés. Stefano en costume fil-à-fil,
avec une discrète cravate rayée. Apparemment détendu.
Caroline, en crêpe de satin beige et rose. Elle est radieuse. Parmi
les quelques personnes qui les entourent: la soeur de la princesse Grace,
Lizane et sa fille Grace; le couturier Marc Bohan ou encore Paul Belmondo.
Il est 11h45 à la pendule de la tour est du palais, lorsque se déroule
l'échange des consentements. Le "oui" de la princesse est très
audible. Puis les jeunes mariés apparaissent au balcon: Geste de
la main maladroit de Stefano, sourire radieux de Caroline et apparition
discrète du prince Rainier. C'est dans le Salon Jaune qu'a lieu
la photo de famille. Un cocktail est ensuite servi dans la salle à
manger princière, et le déjeuner se déroule dans la
Salle du Trône. Dix-sept autre invités s'adjoignent aux vingt-trois
de la cérémonie civile. Le gâteau au chocolat à
trois étages sera, selon la tradition, découpé par
les mariés. La "fête" s'achève très tôt
et les invités quittent le palais discrètement. Dans la soirée,
les mariés et toute la famille, se rendent à l'opéra,
salle Garnier, pour un spectacle de ballet.
Les parents de Stefano offre au couple une aile de leur villa et les cadeaux
de mariage sont amassés dans une pièce du Clos Saint-Pierre,
à Monaco. Les présents, qui seront placés ensuite
soit à Monaco soit à Fino Mornasco, sont arrivés des
quatre coins du Monde, des Etats-Unis, de Grande Bretagne, d'Italie et
biensûr de la principauté. La question numéro un du
moment est la suivante: "Pourquoi le mariage précipité ?".
On ne va l'apprendre officiellement qu'au mois de mars: la jeune femme
attend un heureux événement pour le mois de juin. Caroline
Casiraghi est une jeune femme d'aujourd'hui. La Tartufferie victorienne,
dans ses longs voiles, recule...
Quant à Stefano, il apparait comme le plus attentionné des
époux, la quittant le moins possible et tentant de la rassurer au
moindre malaise ou à la moindre ombre d'inquiétude passant
dans son regard. Il en connaît les raisons. La première tient
sans doute à la pensée qu'il va bientôt participer
au rallye Atlas, qui prendra le départ à Lyon, en mai, et
où Stefano rejoindra le Maroc en passant par l'Espagne. Car, déjà,
Stefano
a choisit d'entrer dans la chevalerie du risque. Il a la passion de la
mécanique, de la vitesse et des moteurs. Il était tombé
amoureux quand il était petit; lors d'une séance de motonautisme,
en entendant "leur respiration"
Quelque chose le pousse
à se révéler et à s'imposer dans une élite
de pionniers où son rang le désigne à la vindicte
des sceptiques. Mais la passion brûle en lui. Et, à Caroline,
de s'occuper de son futur enfant. En organisatrice née, elle a minutieusement
préparé sa venue. Elle connaît biensûr les fameuses
"fringales" de la grossesse et, en pleine nuit, le prévenant Stefano
s'empresse de combler ses envies de poulet rôti. Il faut trouver
une nurse et Caroline est allée en Angleterre pour y rencontrer
sa propre "nanny". Mais Stefano n'a pas été d'accord: "Si
dans un an, cinq ans ou dix ans nous avons d'autres enfants, il serait
souhaitable de garder la même nurse, ce qui semble impossible avec
ta nanny". Le choix de Stefano et Caroline s'est donc porté sur
une jeune suisse allemande de vingt-deux ans. Selon la tradition italienne,
la future maman a préparé elle-même sa valise: deux
robes de chambre, une rose et une blanche, quatre chemises de nuit roses
et blanches également. Pour le retour à la maison, tout est
prêt depuis le mois d'avril au Clos Saint-Pierre: la nursery, au
premier étage, attend son petit prince. Elle est orientée
en plein midi et les murs sont rose et vert. Il n'y manque que le berceau
commandé à Côme, en Italie.
Le voeu de la princesse, qui déclarait il y a quelques années:
"Je suis sûre que mon premier enfant sera un garçon.", se
réalise le 8 juin 1984 à 22h50 avec la naissance d'un
fils: Andrea. Ce jour-là, alors qu'il pleut, Stefano et Caroline
sont ensemble au palais. Tout va bien mais les premiers signes tant espérés
depuis une semaine ne se manifestent pas. Stefano décide, comme
chaque soir, de passer à la boutique Dior, dont il est directeur,
avenue des Beaux-Arts. Il descend au garage du palais puis se dirige vers
la place du Casino, à côté de lui un talkie-walkie
lui permettant de communiquer à chaque instant avec sa femme. A
18h45, il est encore au volant de sa voiture quand la voix émue
de Caroline monte de l'appareil: "Ca y est. Ca y est. J'ai des douleurs
violentes. Il arrive... ". Stefano change de direction et fonce aussitôt
vers l'hôpital. Dix minutes plus tard, tout le dispositif de police
se met en place: deux policiers à l'entrée, un dans le parking
souterrain, un devant l'entrée de la maternité, deux devant
les portes de chambres réservées à la princesse, deux
au premier étage où se trouve la salle d'accouchement. Plus
quelques policiers en civil. Caroline, soutenue par Maureen King qui remplace
la jeune nurse suisse hospitalisée pour une néphrite, monte
les sept marches de la maternité. Elle est conduite directement
dans la salle d'accouchement où Stefano la rejoint presque
aussitôt. Pendant trois heures, Stefano reste auprès de sa
femme dont le "travail ne cesse de croître en intensité".
A 22 heures, le Pr Hervet déclare que le moment est venu et Caroline
demande alors à son époux de la laisser seule. Il est 22h50
quand le Pr Hervet vient annoncer à Stefano: "Monsieur, vous avez
un garçon. Un beau garçon de trois kilos". C'est Stefano
qui téléphone aussitôt au palais pour annoncer au prince
et à ses parents l'heureuse nouvelle. Caroline quitte la salle d'accouchement
à 23h30. Elle a été anesthésiée pour
la phase finale et elle est encore endormie. Elle est conduite au deuxième
étage où elle reprend peu à peu ses esprits. Quand
elle ouvre les yeux, à 23h50, Stefano est seul auprès d'elle.
On leur apporte le bébé. Ils découvrent leur petit
prince: "C'est tout à fait toi", lui aurait dit alors la princesse.
A minuit, les Casiraghi arrivent, puis le prince Rainier accompagné
d'Albert. A 1 heure du matin, les Casiraghi repartent quelques minutes
avant la princesse Antoinette et la nurse. Le Pr Hervet, le prince Rainier
et Albert s'attardent encore un peu. Puis Stefano seul attend que Caroline
s'endorme. Le bébé dort aussi. Monaco, partout fête
sa naissance et l'on baptise Andrea, Albert jusqu'à l'aube.
Stefano a voulu "Andrea" en souvenir d'un ami qui a marqué son adolescence
et une partie de sa jeunesse de célibataire et d'étudiant,
un homme que Stefano aimait comme un frère et qui s'est tué
dans un accident de la route quelques années auparavant. A l'exception
des proches de la famille Grimaldi, personne ne sait encore à qui
ressemble le petit Andrea. Quand aux astrologues, il ne leur a pas fallu
longtemps pour révéler que ce Gémeaux s'entendra à
merveille avec sa mère, qui est Verseau. Côté dynastique
Andrea n'est pas un prince et ne figure pas sur la liste de succession.
En effet, pour l'instant, le fils de Caroline n'est pas dynaste.
Un nouveau chapitre dans le roman de la vie de la princesse Caroline peut
d'ores et déjà être écrit: celui d'une altesse
responsable, fidèle au souvenir de sa mère la princesse Grace;
elle a choisi la voie du bonheur famillial sans histoire. Elle souligne
elle-même ce sentiment de commencer une nouvelle vie, avec des accents
quelque peu lyriques pour évoquer les joies de la maternité:
"Mettre au monde... C'est la première fois que l'on a l'impression
d'avoir fait quelque chose... la seule fois dans notre vie où
l'on est pure et désintéressée". On peut croire qu'elle
a atteint le bonheur auquel elle aspirait: une vie de couple équilibrée,
la joie d'être mère. La calme maturité de Stefano répond
à la sienne. Secret et pudique, Stefano n'a aucun goût pour
les mondanités. Sa discrétion protège sa femme du
fléau des ragots, autant qu'elle le préserve d'une frustration
de "prince consort". Leur philosophie commune semble se résumer
à la phrase: "Le bien ne fait pas de bruit, mais le bruit ne fait
pas de bien". Ils semblent voguer indéfiniment, comme Rainier et
Grace, vers un bonheur sans mélange. Leur rayonnement, fondé
sur l'acceptation d'un bonheur tranquille, doit se prendre tel quel, en
toute simplicité. Comme un cadeau du ciel. Le 1er septembre 1984,
en la chapelle palatine du palais princier, Andrea est baptisé.
Le parrain est le frère aîné de Stefano: Marco
Casiraghi. La marraine est la petite soeur
de Caroline, la princesse Stéphanie. Les heureux parents se mettent
à gauche de l'autel, face au parrain et à la marraine. Mgr
Brand, archevêque de Monaco, administre le sacrement du bébé
que lui présente Caroline. Des orgues, des alléluias et les
improvisations sur le thème de l'hymne monégasque qui s'envole
emplissent la chapelle. Puis tout le monde gagne les jardins du palais
pour la réception. Après la pièce montée représentant
un berceau contenant un bébé, la princesse fait le tour des
tables, distribuant des boîtes de dragées en porcelaine blanche
portant l'inscription: "Andrea, 1er septembre 1984". Au milieu de l'après-midi,
le héros de la fête a regagné sa résidence du
Clos Saint-Pierre avec sa nurse, pour y retrouver ses appartements. On
a noté sa sagesse: il n'a pleuré qu'un court instant lors
de la cérémonie, et l'on remarque qu'au moment de la réception
la princesse Caroline, pour le calmer, employa le même subterfuge
que la princesse de Galles, Diana, lors du baptême de William: elle
lui donna l'un de ses doigts à sucer.
Au Clos Saint-Pierre, la vie s'écoule bourgeoisement. Stefano part
travailler dans ses bureaux de Monte-Carlo tous les matins à 9 heures,
il revient déjeuner à midi, repart à 15 heures et
revient aux alentours de 18h30. Le petit Andrea règle le temps de
Caroline. Elle le nourrit partiellement pendant deux mois, comme sa mère
l'avait fait pour elle et ses frère et soeur. Caroline confie à
l'époque: "J'ai auprès de moi l'homme que j'aime et mon fils
est merveilleux. J'ai compris que la famille était la valeur la
plus importante dans la vie". La princesse a toujours professé,
sur le mariage et la maternité, des idées traditionnelles,
voire "démodées". La presse parle alors de Caroline comme
d'une nouvelle Grace, d'une Caroline assagie, d'une Caroline épanouie.
Elle joue son nouveau rôle avec une touche très victorienne,
critiquant la violence et aussi l'éducation que l'on croit donner
aux jeunes à travers la télévision: "La télévision
étouffe toutes les formes de créativité. C'est trop
facile pour les parents de laisser leurs enfants assis devant le récepteur,
pendant qu'ils sont occupés ailleurs". Elle souligne aussi que:
"La famille est par-dessus tout centrée sur les enfants ...Un enfant
apprend à vivre à travers sa mère, parce que l'amour
maternel est le terrain indispensable sur lequel pousse la personnalité
d'un enfant. Les enfants, il faut leur ouvrir le plus de portes possibles".
Elle assure que son fils a bon caractère, qu'il a l'humeur égale
et le sourire tendre. Il est souriant, a bon appétit et aime la
musique. Stefano prend aussi le temps de jouer les pères modèles
et il lui arrive fréquemment de s'amuser avec son fils, qui lui
ressemble par le teint et la blondeur. Il a le visge rond, de petites joues,
un nez et une bouche gourmande. Il est joyeux, en parfaite santé,
très turbulent et curieux de tout. Andrea comble la princesse, il
est superbe, chargé de toutes les promesses mais, comme l'avouent
ses parents, " Il lui faut absolument un compagnon afin qu'il ne devienne
pas trop orgueilleux". Dans une interview accordée à Gente
en juin 86, Stefano est aux anges: quand un journaliste lui demande si
Andrea est heureux ou jaloux de la prochaine naissance, il répond:
"Mon fils a deux ans. Il ne pense qu'à manger, dormir et jouer.
C'est un passionné, lui aussi, des voitures, des bateaux et des
hélicoptères. Il me ressemble. Je suis sûr qu'il sera
heureux d'avoir une compagnie. Il nous est indifférent d'avoir une
fille ou un garçon. L'un ou l'autre fera de toute façon notre
bonheur. Nous n'avons pas encore choisi les prénoms, mais, si c'est
une fille, elle ne s'appellera pas Grace. Pourquoi une petite fille devrait-elle
porter le prénom de sa grand-mère ? C'est absurde".
Naissance sans problèmes de Charlotte, Marie, Pomeline Casiraghi
à 19 heures, le 3 août 1986. Le bébé
mesure 47 cm et pèse 3,1 kilos. Les astres annoncent déjà
que l'enfant, placée sous le signe du Lion avec un ascendant Capricorne,
jouira "d'une personnalité très forte et rayonnante". Elle
est baptisée dans l'intimité le 20 septembre, avec Albina
de Boisrouvray comme marraine et Massimo Bianchi (beau-frère de
Stefano) comme parrain.
Et l'on recommence le même scénario. Le 9 mars 87, un communiqué
annonce un troisième heureux événement. Annonce concrêtisée
le
5 septembre 1987 par la naissance de Pierre. Le 19 décembre,
pour son baptême, Pierre porte la même robe que ses aînés.
Le parrain est le frère de la princesse, le prince héritier
Albert, la marraine est la tante du nouveau-né: Laura Casiraghi.
Quatre ans après leur mariage, Caroline et Stefano donnent l'image
d'un couple équilibré, soudé par l'amour et la compréhension,
dont le bonheur gravite autour de celui de leurs fils et de leur fille
et semble être à l'abri de tout. Le Clos Saint-Pierre bruit
de gazouillements de bébés: rien ne peut faire plus plaisir
à la princesse. Sur l'art de la maternité, elle raconte:
"Je ne ferai jamais rien pour ne pas avoir d'enfants. Je ne recourrai jamais
à l'avortement. Rien que d'y penser, j'en frémis ! Mais je
ne me sens pas le droit de juger les femmes qui y recourent. Moi, je veux
avoir autant d'enfants que j'en attendrai. Un enfant doit grandir dans
une ambiance sereine. Et j'espère bien que personne ne pense que
je laisse les autres élever mes enfants. Je passe énormèment
de temps avec eux comme toutes les autres mères. Je compte toujours
les instants qui me séparent d'eux. Je leur consacre beaucoup d'attention.
Je les embrasse, je les câline, je les prends dans mes bras. Charlotte
a besoin de ce contact avec sa mère. Avec Andrea, qui est un sportif,
comme son père, je joue, je cours, je me promène dans le
jardin. Nous aimons aussi regarder ensemble les images des livres. Et il
n'y a pas que mon bonheur d'être mère qui compte. Je pense
à Andrea et Charlotte, et à leur plaisir d'avoir des frères
et soeurs. C'est pour cela que mes enfants sont si rapprochés. Quatre,
c'est déjà un bon nombre. Mais pourquoi pas cinq ?".
Le petit Andrea est drôle, malin. Il pousse à vue d'oeil.
Il sera grand et beau comme son père. Caroline et Stefano se montrent
attentifs aux réactions de leurs enfants et au retentissement psychologique
que peut avoir sur eux leur comportement de parents. C'est ainsi que, le
lendemain de la naissance de Charlotte, Stefano emmena son fils avec lui
faire du bateau, afin qu'Andrea ne sente pas délaissé après
la venue au monde de cette petite soeur. Pour ses enfants, ils souhaitent
une éducation qui leur laisse la faculté de s'exprimer dans
tous les domaines. Stefano tient à ce que ses enfants "mènent
une vie heureuse dans l'anonymat" et que "Charlotte ait une vie plus sereine
que celle de sa maman".
Caroline raconte un jour au sujet de son fils aîné: "Un jour
Andrea me posait des questions sur sa grand-mère italienne. Je lui
ai dit qu'elle était la maman de son papa, et que son grand-père
italien était le papa de son papa, et je lui ai expliqué
qu'ils s'occupaient de lui lorsqu'il était petit. Il a eu aussi
des questions sur son autre papy, je lui ai expliqué que c'était
mon papa et qu'il s'est occupé de moi quand j'étais petite.
Alors, il m'a demandé qui était ma maman. Je lui ai expliqué
qu'elle n'était plus là, qu'elle était au ciel. Dans
l'espace, parce que, pour Andrea, l'espace, c'est quelque chose. Tant que
ce sont des histoires de fusées qui vont sur la lune, il comprend
tout. Si vous lui dîtes que quelque chose est magique, il comprend
aussi. C'est une très bonne réponse pour lui. Je lui ai donc
dit que maman était dans l'espace, et qu'elle était magique,
parce qu'elle nous voyait, nous entendait, nous protégeait, et que,
s'ils se concentrait très fort, il la verrai peut-être aussi.
Je pensais que ça allait prendre. Mais il m'a dit: "Ca veut dire
qu'elle est morte ?". J'en suis restée bouche bée. Ensuite,
il m'a regardée et il m'a dit: "Mais toi, tu ne mourras pas, parce
que tu es ma seule maman".
A l'évidence, la famille Casiraghi est unie. En dépit de
leur statut et de leurs moyens, Stefano et Caroline se comportent en parents
à la fois modernes et exemplaires. Tout ce petit monde vit harmonieusement
au Clos Saint-Pierre. Rien ne proclame qu'une princesse y vit car les armes
des Grimaldi sont dans la cour, à peine visibles. Les fenêtres
du haut donnent sur les jardins et sur un coin de mer. A l'intérieur
de la villa, le couple crée une ambiance familliale. Le mobilier
est élégant mais les enfants peuvent aller dans toutes les
pièces. Le ménage est fait par un personnel réduit
à son minimum, et deux jeunes nurses s'occupent des enfants, de
10 heures du matin à 20h30. Caroline se réserve le privilège
de donner le bain à ses enfants et de les faire dîner, aidée
en cela par Stefano qui est un père tout aussi aimant qu'attentionné.
Une fois même, Caroline arrivera en retard à un important
rendez-vous en soirée et s'excusera en disant "qu'Andrea n'a pas
voulu manger son porridge". Caroline et Stefano parlent souvent en italien
entre eux, tandis que les enfants sont élevés en français
comme leurs camarades monégasques. Leur mère envisage aussi
de les initier plus tard à l'anglais, langue maternelle de leur
grand-mère.
Les Casiraghi emmènent souvent leurs enfants en vacance à
la montagne, à Roc Agel. Ils se passent de domestiques et font eux-mêmes
la cuisine. Caroline est souvent photographiée en train de se promener
avec ses enfants, dans les jardins publics de Paris. A l'époque
où Pierre est encore tout petit, il lui arrive de se déplacer,
assez péniblement, avec le bébé dans un harnais, Charlotte
dans une poussette et en tenant Andrea par la main. Il y a également
les vacances à châteaux de sable, sur des îles, lieux
de villégiature privilégiés où la famille s'ébat
sur la plage et dans la mer.
En 1988, un journaliste parisien assiste au joyeux spectacle de leur vie
familliale. Caroline lui confie: "Je passe un temps fou avec les enfants,
je m'amuse au moins autant qu'eux. En ce moment, les enfants m'ont surnommée
"maman ours", triomphe du film de Jean-Jacques Anaud oblige". Et maman
ours d'expliquer comment d'ordinaire elle endosse le costume de Monsieur
Loyal pour jouer au cirque avec Andrea et Charlotte: "J'étale un
grand tapis rond dans ma chambre et annonce sur fond de fanfare leur numéro
de dresseurs de tortues sauvages, à savoir les deux énormes
tortues en peluche rose et bleue cachées sous ma commode". Le soir,
les plaisirs varient: "On danse comme des fous devant le 'Top 50' avant
de jouer aux pirates. Nous sautons de mon lit transformé en bateau
pour courir comme des fous aux quatre coins de la maison à la recherche
d'un coffret bourré de faux bijoux que j'ai soigneusement caché
auparavant. Ca nous occupe bien de 18 à 20 heures !". Leurs enfants,
particulièrement les deux aînés, constituent pour eux
une source de joies et de bonheurs inépuisables.
La personnalité d'Andrea se dessine peu à peu. Physiquement,
il a hérité la finesse des traits de son père; il
est calme et attentif comme lui, très protecteur envers ses cadets.
Outre le français, il commence à parler très bien
l'anglais et son père s'est mis en tête de lui apprendre l'italien.
Caroline envisage alors de le mettre au jardin d'enfants. Charlotte, elle,
est très différente. On retrouve en elle non seulement le
visage de sa mère, mais aussi beaucoup de sa personnalité.
Elle est impatiente, avide de tout connaître et très espiègle.
Pierre, lui, n'est pour l'instant qu'un joyeux mélange Grimaldi-Casiraghi.
Quant au couple Caroline-Stefano, leur relation est au beau fixe. Ils se
complètent assez bien. Elle est plus intellectuelle que lui, mais
il aime comme elle la musique classique et les arts en général.
Elle est plus fantaisiste, plus exubérante, plus enthousiaste. Il
est assez introverti, plus méticuleux, plus maniaque. Mais ils sont
tous deux fervents de sport et de vie en pleine air. On aurait pu croire
qu'il s'accoutumerait mal à une certaine étiquette qui règne
toujours au palais de Monaco; on le disait peu attaché aux usages.
Il a montré que, malgré un certain détachement de
façade, il pouvait être un hôte discret et courtois,
particulièrement dans les grands dîners officiels. Car Stefano
tient à accompagner sa princesse dans toutes les manifestations
de la principauté. Il prise peu ces réceptions, mais il a
néanmoins acquis au fil des mois une plus grande assurance et on
le voit sourire plus facilement qu'au début de son mariage, où
il gardait un visage presque fermé. La vie de couple a épanoui
Stefano comme elle a épanoui Caroline. On sent entre ces deux êtres
un soutien mutuel constant.
On a souvent présenté Stefano comme un personnage distant
et froid. En réalité, il est surtout réservé.
Stefano laisse donc Caroline exercer pleinement son rôle de Première
Dame du Rocher, se tenant toujours trois pas derrière elle. Stefano,
contrairement à sa femme, n'a pas été habitué,
depuis son plus jeune âge, à être la cible permanente
des journalistes et des photographes. Il assume au mieux cette position
incommode, du moins la première année de son mariage, déclarant:
"La 'célébrité' n'est pas toujours facile à
endosser. Je n'avais pas pensé à cela. A cause des paparazzi,
on finit par se méfier de tout le monde, on ne dit jamais ce que
nous allons faire. Mais je suis tellement heureux que je n'accorde plus
tellement d'importance à tout ça. Je déteste la publicité
autour de ma vie privée".
Il joue le jeu avec la presse dans un premier temps et négocie avec
les photographes des "rendez-vous posés", qui consistent à
lâcher un peu de lest pour ensuite avoir la paix. Il crée,
avec Caroline et leur fils Andrea, des occasions cocasses de photos qui
émeuvent le bon peuple. La jeune maman fait du vélo, avec
Andrea dans le panier posé sur le porte-bagages. Sur la plage de
Cavallo, Caroline, enceinte de sept mois de leur deuxième enfant,
pose pour l'objectif du futur papa qui en profite pour accorder une interview
à Paris-Match. Tout simplement.
En 1984, lors du rallye Atlas, la suspension de la voiture de Stefano lâche.
Photos de l'abandon. Alors il s'invite à bord de la voiture des
photographes, qui remontent leurs pellicules sur sept cents kilomètres
entre Zagora et Marrakech. On bavarde de tout et de rien, mais le contact
passe. Le jour où il doit aller rapidemment de Roissy à Orly
prendre un avion, il se fait voiturer dans la voiture d'un paparazzo, avec
ce commentaire: "Ca paie votre boulot !". Le jour de la Saint-Valentin
85, les photographent le guettent dans l'immeuble de Manhattan où
Stefano fait une présentation de chaussures. Il leur dit alors:
"Puisque vous êtes là, entrez donc photographier la collection,
vous faîtes de la diffusion, non ?".
Mais rumeurs et affaires commencent à empoisonner ses relations
avec la presse, d'autant plus que celle-ci se fait l'écho de ses
difficultés avec la justice militaire italienne et vient ternir
son image de marque. En effet, Stefano a été réformé
du service militaire en 1980. Pour raisons de santé l'empêchant
d'avoir des enfants. Lorsqu'Andrea, son fils, naît quatre ans plus
tard, la magistrature militaire (le parquet) fait ouvrir une enquête
concernant les certificats fournis par Stefano. Cela peut alors signifier
pour le gendre du prince Rainier l'obligation d'effectuer son service militaire
sous les drapeaux italiens avant l'âge de quarante-cinq ans, alors
qu'il est maintenant citoyen monégasque. L'avocat de la famille
indique que Stefano a été réformé pour "perturbations
génitales causant une impuissance temporaire". Stefano fait alors
jouer ses relations et le ministère italien classe l'affaire
en l'exemptant définitivement de ses obligations militaires. C'est
une affaire somme toute banale mais plutôt blessante pour l'honneur
du beau Stefano.
Caroline, elle, n'a cure de toutes les perfidies. Elle aime sincèrement
son mari qui a su lui apporter ce dont elle manquait: une sérénité
et une stabilité que sa vie publique lui refusait trop facilement,
et une incitation à l'action dont cette jeune femme rêveuse
mais éprise d'absolu avait besoin. La princesse a balayé
ses angoisses et, délivrée, elle s'active aussi fébrilement
que son époux, ce compagnon discret dont chaque regard et chaque
geste attestent ses sentiments envers elle. D'autant que Stefano a parfois
un humour au diapason de celui de son épouse. Il possède
en Italie une fabrique de chaussures. Et, justement, Caroline a un talon
d'Achille: la passion de la chaussure. Elle aime plaisanter en lui disant
qu'il est le mari parfait puisqu'il a des intérêts dans ce
domaine. Et lui de s'amuser à mettre des étiquettes spéciales
dans ses escarpins disant que c'est une création exclusive pour
la princesse Caroline... A Caroline, après, de jouer les Cendrillon,
de dire que le modèle ne lui va pas...
A Oggi, en juillet 85, dans une longue interview-vérité,
Stefano avoue: "Lors des manifestations officielles, je dois prendre sur
moi. Je suis timide et c'est un moyen comme un autre de me défendre
contre les gens que je ne connais pas. A chacun sa carapace. Et puis, vous
savez, je n'aime pas non plus parler de ma vie privée. Cependant
je peux constater que je suis de plus en plus amoureux de ma femme. Entre
nous, il y a respect et amour. Plus on se connaît tout les deux et
plus on se respecte. Je refuse de me créer ce genre de complexe
de 'prince consort'. Caroline a des fonctions publiques à respecter
depuis sa naissance et je la pousse vraiment à s'y engager. Je fais
seulement partie de la famille et je n'ai aucun rôle conçu
dans l'Etat. Nos activités sont complètement différentes.
Et je me sens chanceux de pouvoir jouir de certains privilèges sans
en avoir les obligations ou les devoirs".
Stefano est un homme d'affaires actif puisqu'il dirige cinq sociétés.
D'abord, une entreprise de construction qui a des chantiers à Monaco,
en Italie, à Djibouti et en Algérie et dont il est le directeur
délégué dans la principauté (EN.GE.CO). Ensuite
diverses activités commerciales qui lui ont valu d'être le
concessionnaire de Porsche, de Ford et Mitsubishi à Monaco. Il dirige
aussi un chantier naval spécialisé dans la construction des
gros hors-bords à Abbate, sur le lac de Côme. Il a en outre
la responsabilité des boutiques Christian Dior en Italie et à
Monte-Carlo. En tant que président de la société Entreprise
Générale de Construction SAM, il fait construire au large
de Bonifacio l'île de Cavallo. Et au jeune homme de préciser:
"Monaco est une grande famille où tout le monde se connaît,
aime l'ordre et le travail. Ici, je suis heureux. Dans ma nouvelle famille,
chacun mène une vie simple et je m'y sens bien. Le prince m'a accordé
la nationalité monégasque et je veux en être digne".
A Monaco, où l'immobilier est roi et le béton en or, Stefano
va bientôt avoir la quasi-exclusivité de tout ce qui est ancien
en la matière, l'objectif étant de réhabiliter et
de revendre biensûr au prix fort. Dans son bureau, installé
au premier étage d'un gratte-ciel effilé du boulevard Princesse-Charlotte,
à Monte-Carlo, il dirige d'une main de fer ses affaires. Quand on
le voit alors dans son rôle d'industriel et de financier, on découvre
que la réalité est différente de l'image du fils à
papa chanceux devenu célèbre grâce à son mariage
que les mauvaises langues lui attribue parfois. On remarque d'abord la
gravité de son regard et la maîtrise de ses gestes. C'est
un homme avant tout responsable, méthodique, capable de dissimuler
son intuition et sa formidable énergie sous une feinte nonchalance.
Il émet des considérations générales, parle
quelquefois de sport en public, rarement de business, et sort difficilement
de sa réserve protocolaire. Cependant, le talentueux financier a
toujours eut suffisamment de tact pour n'avoir jamais mis son propre clan
en avant. En 1983, Stefano fait une rencontre décisive: il est présenté
à Tullio Abbate, alors recordman du monde de vitesse sur off-shore.
Il devient son second pilote puis passe premier pilote lorsque son ami
est victime d'un accident. Désormais, Stefano participe au plus
haut niveau à toutes les grandes compétitions de cette spécialité.
En 84, l'année de naissance de son fils Andrea, il achète
la "Ferrari de la Mer", un bateau de onze mètres qu'il baptisera
Caline,
diminutif de Caroline. Avec ce bateau, dans la catégorie des 6000
centimètres cubes, il bat le record du monde en réalisant
une vitesse de 171 km/h. Il ne se classe néanmoins que quatrième
au grand prix d'off-shore de Monaco. La même année, il doit
abandonner lors des championnats d'Europe de Barcelone, en raison d'une
défaillance mécanique. Puis, passé alors inaperçu,
un coûteux incident survient à son off-shore. Son bateau prototype,
au cours d'essais en mer, connaît un accident surprenant au cap Martin
et brûle soudainement, ne faisant miraculeusement aucune victime.
Dans le domaine automobile, le premier essai sérieux de Stefano
date de mai 84 dans le rallye Atlas. Avant le départ, il précise:
"Je me tourne vers les rallyes tout terrain. J'apprécie dans ce
type d'épreuve à la fois le côté sportif et
l'esprit d'aventure... Je connais l'Afrique, mais je sais que le rallye
de l'Atlas est une épreuve difficile, et c'est la raison pour laquelle
je m'astreins à un entraînement physique conséquent.
J'ai envie de partir à la recherche de mes limites et ce sera pour
moi une expérience enrichissante". C'est lui qui convaincra Caroline
de l'accompagner en janvier 85 dans l'aventure du rallye Paris-Dakar à
bord d'un camion Astra. Avant le départ, Stefano confie quelques
détails de leur préparation: "Je serai pilote et Caroline
aura la navigation en charge. Au total, notre équipe comprend deux
techniciens et un colonel de l'armée italienne dans le deuxième
camion, un technicien, un médecin et un policier dans une Range,
auxquels s'ajoute un autre technicien en avion. Giancarlo Arcangioli, un
explorateur et archéologue qui compte vingt années d'Afrique,
sera le troisième membre d'équipage. Caroline s'est aussi
exercée à lire les cartes, à prendre le cap. Nous
avons essayé le camion et nous allons sûrement faire encore
quelques essais, peut-être en Afrique. Ma femme a d'ailleurs tenu
le volant, et cela se passe très bien". Dès le départ
de Versailles, les critiques à l'égard de Caroline pleuvent.
La princesse répond: "Il est vrai que, à Versailles, j'ai
refusé de voir les journalistes. Mais j'étais là en
tant que concurrent, en compétition comme les autres. Je n'étais
pas là pour donner des conférences de presse. Quand j'accorde
des interviews, on dit que j'ai envie de faire parler de moi. Quand je
refuse, que je me donne des airs. Dans ces conditions, il est difficile
d'avoir raison. Quoique je fasse, je suis perdante. Et, vous savez, la
publicité, je n'en ai pas besoin. Je ne suis pas une actrice qui
doit vendre son film ou son feuilleton". La première étape
va sonner le glas de leurs illusions. Quinze kilomètres après
Ouargla, c'est l'accident. Giancarlo Arcangioli conduit le mastodonte Astra.
Caroline, qui tient le rôle de navigatrice, a au préalable
soigneusement calculé les vitesses moyennes. Mais Giancarlo accélère
de plus belle. Elle hurle: "Trou à gauche ... Dune à droite.
Trou ... Dune ...". Mais Giancarlo ne semble pas entendre. Soudain, le
camion mord sur une dune et se couche sur son flanc droit. Tout le monde
crie. Finalement, il y a plus de peur que de mal. Caroline, Stefano et
Giancarlo, le moment de panique passé, s'affairent pour tenter de
remettre le camion sur ses roues. A l'aide d'un ingénieux système
de vérin et de chenilles escamotables, l'opération est possible,
mais les occupants du camion-balai arrivent et leur disent: "Ou bien vous
repartez tout de suite devant nous, ou bien vous abandonnez". Et "la princesse
des sables" de préciser: "Nous avons été obligés
de signer notre abandon. C'est triste, mais ce sont des choses qui arrivent".
Au couple d'accuser leur coéquipier: "Il a été très
malhonnête. C'est malheureux à dire, mais je crois qu'il s'est
servi de nous. Il voulait à tout prix arriver premier. Or, notre
politique de course était de rester dans les temps, même parmi
les derniers, mais jusqu'à Dakar. J'entendais ma femme qui lui hurlait
de faire attention mais je ne pouvais pas bouger. Si j'avais enlevé
ma ceinture, je serai sorti par la vitre. Il a failli nous tuer". Et Caroline
de décréter: "Dès le début, j'avais calculé
les vitesses moyennes qu'il aurait fallu tenir. Tout à coup, Giancarlo
est sorti de la piste pour doubler trois camions, là où il
y avait le plus d'obstacles. J'essayais de lui signaler les trous, les
dunes ... il ne répondait pas. Il ne me regardait même pas
et continuait d'accélérer. Mon mari était sur le point
de l'arrêter quand on a eu l'accident. Il est devenu fou. Je n'arrive
pas à comprendre pouquoi il s'est comporté de cette façon
là. Et, en plus, tous les journeaux racontent que c'était
mon mari qui était au volant. Ce que Thierry Sabine a confirmé
dans un communiqué de presse ...". C'est dire avec quel goût
amer ils ont quitté l'épreuve ... On comprend donc que Caroline
se contente alors d'être sagement spectatrice ... Au Clos Saint-Pierre,
dans la douce quiétude de Monaco, les journées s'organisent
surtout autour des enfants. Lever à 8h00-8h30. Petit déjeuner
dans la cuisine, en robe de chambre ou pyjama. Puis Stefano se rend à
son bureau, en plein centre de Monaco. Lorsque Stefano revient, on déjeune
en famille. Le personnel est réduit: une femme de chambre, deux
valets-chauffeurs et les deux nurses des enfants. Puis il regagne son bureau
et le retour au sweet home se fait vers 18h30 où les bambins
l'attendent après avoir goûté avec leur mère,
rentrée aux alentours de 17 heures. A 18 heures, l'essentiel du
personnel part ( un carabinier reste toujours en faction devant la maison).
Avec Stefano, Caroline s'est mise à la cuisine italienne: les pâtes
n'ont plus de secret pour elle. Le plus souvent, le couple regarde la télévision
en tête à tête et lit toujours un peu avant de s'endormir.
Une existence très classique qui devient plus sportive lors des
séjours à Saint-Moritz. Ils ont tous les deux le goût
des discussions interminables et passionnées. Leur couple est une
réussite. Des ombres, il y en a eu ... Des tensions, issues d'une
affirmation rigide, de points de vue différents, ce qui est inévitable
de la part de deux personnalités entières. Mais ce sont les
points d'accord qui dominent indubitablement. On oublie les légères
insatisfactions qui viennent peut-être du passé de chacun
d'eux, mais qu'une volonté d'harmonie et un dialogue permanent ont
surmontées. Stefano a trouvé auprès de sa chère
épouse non seulement le sens des responsabilités, qui, selon
lui, lui manquait, mais il a aussi acquis une paix intérieure qui
faisait défaut. Il confie, ému, lorsqu'on lui demande quel
a été le jour le plus heureux de sa vie: "Je crois que c'était
il y a trois ou quatre mois lorsque mon père m'a félicité
pour ma vie, en général. C'était la première
fois qu'il me félicitait pour quelque chose. J'ai toujours construit
ma vie en prenant celle de mon père pour modèle, mais il
ne m'a jamais encouragé. Je suis son fils cadet et, lorsqu'il m'a
félicité, je me suis senti fier, au sens le plus fort du
mot". Stefano sait garder le secret, sur lui-même comme sur les autres,
c'est quelqu'un sur qui l'on peut toujours compter. Lorsque Caroline fut
victime d'un accident de la route - il était alors à Londres-
il prit tout de suite le premier avion. Le samedi 23 août 1986, vingt
jours après la naissance de Charlotte, vers 21h30 alors qu'il faisait
déjà nuit, Caroline quittait Monaco et décidait de
se rendre seule à Roc Agel. Sur la route un bolide lui fonça
dessus, plein gaz, tous phares allumés. Complètement éblouie,
la princesse eut heureusement le bon réflèxe de donner un
violent coup de volant à droite, en faisant preuve d'un sang-froid
étonnant. A quelques centimètres près, c'était
le choc de front. La voiture de Caroline Casiraghi s'est encastrée
entre les rochers et une sorte de parapet bordant la bretelle qui mène
de la moyenne à la grande corniche. Lorsqu'elle raconta à
son époux que l'accident s'était produit tout près
du carrefour tragique où la princesse Grace avait perdu la vie,
lui, si superstitieux, eut une terrible bouffée d'angoisse. Et c'est
Caroline qui conclut: "C'est terminé, mon chéri, ne te fais
pas de mauvais-sang inutilement. Je te promets qu'à l'avenir j'éviterai
de rouler de nuit sur la grande corniche, c'est trop dangereux". Stefano,
fataliste, accorde la même année une interview sur les risques
qu'il prend dans la compétition motonautique. Une interview quelque
pau prémonitoire. Le journaliste italien lui avait alors demandé,
en juin 1986, si Caroline avait essayé de le convaincre d'abandonner
la compétition en raison du danger des bâteaux extrêmement
rapides: "Non. Ma femme respecte mes idées comme je respecte les
siennes. Dans notre amour, il n'y a ni questions ni doutes. Nous sommes
tous deux un peu fatalistes. S'il arrive quelque chose, c'est que cela
devait être ainsi. J'ai toujours eu la passion de la mécanique,
et cela, Caroline l'accepte et le comprend". Et à Caroline de croiser
les doigts le jour des compétitions ...
L'un et l'autre aussi familiers de la mer Méditerranée, Stefano
et Caroline avaient donc résolu consciemment d'ignorer son versant
funèbre. Lorsque la mort le surprend en octobre 90, Stefano Casiraghi
n'a que trente ans. Il laisse derrière lui trois orphelins de six,
quatre et trois ans. Andrea, Charlotte et Pierre. Caroline, qui a fêté
ses trente-trois ans le 23 janvier de cette année là, se
retrouve brusquement seule pour les élever. Stefano qui se voulait
être un mari et un père si attentionné et si présent
devient, en une fraction de seconde, le grand absent de leurs vies. Désormais,
la période de bonheur intense va faire place à des années
de chagrins et de désespoirs. En mourrant, Stefano va involontairement
infligé une tenace douleur à son épouse. "Dans l'aurore
parfumée qui s'élève des jardins sur la mer, leur
maison, avec ses volets verts sur une façade rose et crème,
est comme la réclame insolente d'un bonheur effacé ". Stefano
Casiraghi s'est sacrifié pour ces poussées d'adrénaline
qu'il devait ressentir avant chaque course, pour sa passion, son idéal.
Il les prive de l'innocence, et c'est un voile noir indélébile
qu'il dispose ainsi sur leurs jeunes vies. Il est très difficile
de se retrouver enfant confronté à la mort, à la mort
prématurée d'un père, trop abrupte, trop dépourvue
de sens. C'est avec un terrible handicapt que tout trois prennent le départ
dans la vie, tandis qu'ils devront se battre pour démontrer leur
propre existence et leurs propres valeurs en dépit de cette absence,
qui hante ...
Nous sommes le mercredi 3 octobre 1990, à l'heure du drame.
Le déroulement de la tragédie est des plus limpides. Le matin
même Caroline téléphone à son époux,
apparemment détendue. Celui-ci prépare son bateau, le
Pinot di Pinot, pour la deuxième journée du
grand prix off-shore de Monaco. Pour Stefano, huitième au classement
général de la compétition, il faut impérativement
gagner les deux épreuves de la journée. Selon l'histoire,
il promit même à sa femme: "Après cette course, je
décroche". Or, Stefano Casiraghi, disqualifié la veille pour
avoir secouru un concurrent en détresse, pensait ne pas pouvoir
prendre le départ ce 3 octobre. C'est en effet à la surprise
générale, in-extrémis, que les organisateurs ont trouvé
la veille un article du réglement permettant de requalifier celui
qui, bien que concurrent, est également la cheville ouvrière
de ce championnat du monde en tant que tenant du titre. Comme les rares
témoins, principalement les trois hélicoptères suiveurs,
ont pu le témoigner, tout s'est déroulé très
rapidemment, en une fraction de seconde ...
Il est 11h15, soit 15 minutes après le départ de cette deuxième
manche du championnat du monde donné au large du cap Martin. Le
groupe de tête vient de virer à la bouée de Nice située
dans l'axe de l'aéroport déjà deux milles derrière
leur moteur. Placé en deuxième position derrière le
grand favori de l'épreuve, le Bagutta-Lamborghini du tandem
italien Polli-Curtis, le Pinot di Pinot de Stefano Casiraghi accélère.
A plus de 160 km/h dans une mer hachée par un clapot très
dur. Il réussit à passer en tête, suivi à cinquante
mètres sur sa gauche par un autre monstre Lamborghini, l'Achillimotors,
piloté par Domenico Achilli et Alessandro Brombini. Poussés
jusqu'alors par les vagues et la brise, les bateaux se retrouvent subitement
face à un vent de force 4 et une mer encore plus mauvaise. Tout
à leur bagarre, les skippers refusent d'en tenir compte, de réduire
les gaz. Un des pilotes raconte: "C'était comme si nous étions
lancés à vive allure en direction d'un ravin connu. Une sorte
de mauvais remake de la fureur de vivre, où le premier qui
ralentirait perdrait à la fois sa place et un peu de sa fierté
de pilote. A plus de 160 km/h, nous étions 10 à 15 km/h au-dessus
du plafond de sécurité. En fait, chacun de nous bluffait,
attendant la casse moteur du voisin ou son renoncement, pour enfin pouvoir
ralentir". Ces hommes déterminés s'offrent en fait à
leur jeu quasi quotidien, celui de la mort et du hasard. A cette allure,
la moindre vague vicieuse peut-être fatale, il est en effet impossible
de les amortir. Si le pilote coupes les gaz, la coque enfourne et se retourne,
s'il accélère, le bateau s'envole. Il n'y a plus qu'à
espérer bien retomber ...
Quelques poignées de secondes après la bouée de Nice,
c'est d'ailleurs le premier avertissement: Bagutta alors de nouveau
en tête prend une mauvaise vague et part en glissade sur le flotteur
gauche. Il rend les gaz, c'est terminé pour lui. Stefano tient enfin
cette "pole" qu'il s'était le matin même juré d'obtenir.
Domenico Achilli, son suivant immédiat, témoigne: "Il a refusé
de lâcher prise alors que la mer devenait de plus en plus mauvaise".
Quelques mètres plus loin, alors que le tandem italien tente de
négocier au mieux le sillage du leader, c'est l'accident. Dans une
gerbe d'écume, le grand catamaran monégasque rouge et blanc,
déséquilibré par une mauvaise vague de travers, décolle
et part en glissade sur le côté de Stefano. A cette vitesse
là, la surface de l'eau devient aussi dure qu'une plaque de béton.
Après une centaine de mètres dans cette position, il se relève
brusquement et commence à s'enfoncer par la poupe, les étraves
dressées vers le ciel. Témoin immédiat, le pilote
de l'Achilli fait demi-tour, quatre-vingt-dix secondes exactement
après le drame. Alessandro Brombini dégrafe son gilet de
sauvetage et plonge. Le cockpit de droite, celui de l'équipier qui
tient le volant, est vide. Patrice Innocenti a été
éjecté. Dans celui de gauche, il aperçoit, à
moitié émergé, le corps apparemment sans vie de Stefano
Casiraghi, bloqué derrière les manettes de gaz. Il porte
un gros hématome sur le côté gauche de la face et du
cou. Gêné par la mer qui monte dans l'habitacle, le pilote
italien ne peut l'en extirper. Il n'y parviendra que trois minutes plus
tard avec l'aide d'un plongeur de la police maritime et d'un médecin
qui suivaient en hélicotère. Mais il est déjà
trop tard, Stefano ne respire plus. Son équipier qui flotte à
quelques mètres de là est encore conscient. Six minutes après
l'accident, le bateau, dépourvu de réserves pneumatiques
de flottabilité, coule. Le drapeau rouge est brandi, la course annulée.
Sur son lit d'hôpital, cloué par une fraction des côtes
et une lésion du bassin, Innocenti le copilote, expliquera: "Nous
avons fait deux vols juste avant. Chaque fois le bateau est bien retombé
à plat. J'ai repris connaissance à trois mètres au
fond de l'eau, dans un tourbillon de bulles. J'avais perdu mon casque et
mes chaussures montantes. Il me semblait voir Stefano à côté
du bateau, nageant, alors que c'était un pilote venu nous secourir
et qui portait une combinaison de la même couleur que les nôtres.
Je voyais ça et j'avais l'impression que Stefano s'en sortait très
bien ! Après je suis tombé dans le coma et je n'ai appris
sa mort que le lendemain. Stefano n'a pas pris de risques insensés,
c'était un grand professionnel. Mais c'est vrai que pour gagner,
il faut aller vite, très vite. Le bateau était laminé
par les courses précedentes. Le Pinot di Pinot avait souffert
dans les courses passées. Subitement, nous avons fait un tonneau,
comme cela peut arriver avec une voiture quand deux roues mordent sur le
bord de la route. En fait, nous avons perdu un morceau de la coque, du
côté de Stefano. Cela a brusquement freiné le bateau,et
nous avons capoté. Je me suis vu partir. Nous partions en vrille.
Je me tenais très fort au volant, pensant qu'ainsi c'était
ma seule chance d'être sauvé. Quand nous avons heurté
l'eau, j'étais plié en deux, le haut du corps à l'extérieur.
C'est pour ça que j'ai été grièvement blessé
aux lombaires. Stefano, lui, est resté dans le bateau, qui a dû
commencer à s'enfoncer de son côté. Il n'a pas eu le
temps d'être éjecté par le choc". Un an après
le drame, Innocenti, dans une interview-confession dédiée
à son ami disparu, dira: "C'est difficile, vous savez, on perd un
ami, un compagnon. L'off-shore est un sport très dangereux. En sept
ans, il y a eu dix-sept morts. L'idée de rendre les courses plus
sûres vient de Stefano. La veille de l'accident, nous en parlions
encore. "Ecoute, me disait-il, on va peut-être arrêter de courir
et tenter de résoudre le problème de sécurité".
Il voulait que ça change dans ce domaine, que des réglements
soient adoptés. Durant les semaines qui ont précédé
notre dernière course, j'essayais de concevoir une capsule qui aurait
protégé les coureurs. Depuis j'ai arrêté, je
ne veux pas faire d'argent autour de cet accident. J'aurais aimé
que l'on respecte sa disparition, que l'on s'attaque aux problèmes
de sécurité. Au lieu de cela, je vois que tout est fait pour
récupérer cet accident, et en faire du fric. On m'a même
demandé de patronner une "Coupe Stefano" ! J'ai demandé au
type s'il voulait rire. Je la ferai cette coupe, parce que je la lui dois.
Mais à ma façon, tranquillement". Ce colosse têtu tiendra
parole, c'est sûr. Stefano Casiraghi a marqué sa vie. Innocenti
l'a rencontré en 1982, un jour où Stefano était venu
faire réparer son bateau à l'endroit où il travaillait.
Ils n'ont plus fait une course l'un sans l'autre depuis. Pour comprendre
la personnalité de celui qui fut le mari de la princesse Caroline
de Monaco, où tout ne paraît être qu'opulence et facilité,
il faut écouter un homme comme Innocenti. Lui l'a connu, après
le bureau, après les soirées ... "Ce que Stefano avait surtout,
c'était la passion. La passion de la mécanique, de la vitesse,
de la mer. Quand il sortait du bureau à la fin de la journée,
il venait nous retrouver à l'atelier et ensemble, nous-mêmes
nous mettions au point nos nouveaux bateaux. La course off-shore est un
sport très physique, il faut être en parfaite condition sportive,
lourd plutôt que léger. Il avait un superbe courage et il
en faut car on peut être durement secoué par les vagues. Lui
souffrait plus que moi, et il n'en avait que plus de mérite. Il
faut du caractère pour pratiquer ce sport. Entre nous, il y avait
une telle entente que nous nous parlions très peu: il nous arrivait
de nous parler cinq ou six fois pendant une course, pas plus. C'était
une communion parfaite, dans un profond silence. 'Off-shore' signifie 'au
large' et on est vraiment seuls sur ces bateaux. Avec les coups que l'on
prend, quand on fait la course en tête avec personne avec qui se
mesurer, on a parfois envie de réduire les gaz. C'est là
qu'il faut s'accrocher: on lutte alors contre soi-même". Mais on
peut s'étonner d'entendre parler d'off-shore en ces termes, puisqu'il
peut légitimement paraître comme un passe-temps de milliardaire
un peu futile. Innocenti, l'ami, affirme: "Stefano, lui, avait compris.
Ou plutôt, je crois qu'au début il a pris ça comme
un jeu. Mais après, ça n'était plus du tout ça.
Je me souviens de ce retour de course en Amérique. Je l'avais trouvé
un peu léger, parfois. Et un jour je lui ai dit que je n'étais
pas là pour tenir la main d'un enfant gâté. Il m'a
répondu: 'Je te promets que je vais changer'. Et il changeait, en
bien. Il mûrissait. Il se remettait toujours en question. Il avait
de vraies valeurs et il n'en parlait pas tout le temps". Celui qu' avait
épousé la princesse Caroline était un prince de coeur.
Patrice Innocenti résume cela par une phrase que l'on dirait pensée
'avec l'accent' de la Méditerranée: "Ce n'était plus
seulement un jeune gars doué. Franchement, c'était l'homme
".
Mais est-ce que " l'homme" pensait à sa famille, dans tout ça
? Entre sa tendresse de père et sa passion d'homme, croyait-il qu'il
n'avait pas à choisir ? Innocenti, lui-même père de
famille, est formel: "Stefano était très responsable. Il
adorait sa famille: sa femme et ses enfants. Et cela croyez-moi, ce n'est
pas de la littérature. Mais il était latin, vous savez, un
petit peu 'macho' - en apparence- avec les enfants. En réalité,
c'était un 'papa gâteau'. Je le plaisantais régulièrement
sur ce sujet. On en parlait entre nous, moi aussi j'ai un enfant. Il me
disait: "Tout ce qui compte pour moi, ce sont les enfants". Caroline est
venue une fois sur le bateau. Nous l'avons emmenée en promenade;
une promenade longue et rapide. Je la vois encore, recroquevillée
dans un coin, elle avait vraiment horreur de ça. Après, elle
m'a avoué qu'elle avait été morte de peur tout le
temps. Mais elle l'avait fait pour lui faire plaisir... Lui, il essayait
seulement de s'exprimer à travers l'off-shore... ". Quatre heures
plus tard, alors qu'une chape de plomb est tombée sur la Principauté,
les pilotes analysent les circonstances du drame. Car dans ce sport extrême,
où l'argent, la vitesse et la technologie s'entremêlent, les
accidents mortels ne doivent tout de même pas être de légion.
Le dernier remonte alors en 1987, au large de l'Angleterre. L'ancien champion
de Formule 1 et ami de Stefano, Didier Pironi, y avait trouvé la
mort. Propulsé par deux moteurs Diesel de 900 chevaux chacun, le
Pinot
di Pinot de Stefano Casiraghi, d'une longueur de 12,90 mètres
et d'un poids de cinq tonnes, était capable de dépasser les
200 km/h sur mer plate. Or, qui dit moindre pénétration des
coques signifie également tendance au décollage, notamment
au cas où, soulevées par les vagues, les coques laissent
l'air s'engouffrer sous la plate-forme centrale... c'est alors le retournement
inéluctable. Circonstance aggravante, le bateau monégasque
ne bénéficiait pas des toutes nouvelles normes de sécurité.
Ainsi, si la plupart des skippers de catamaran naviguent assis dans un
baquet à l'intérieur d'une nacelle fermée en forme
de cockpit d'avion de chasse, éventuellement éjectable, Stefano,
lui préférait piloter debout, la tête au vent. "Je
peux amortir les chocs avec mes jambes et mieux sentir les mouvements de
ma coque", disait-il à ses amis pilotes. Pour les spécialistes
qui ont étudié l'accident, deux facteurs ont tué Stefano.
Le plus important d'entre eux est ce changement de mer, un facteur donc
'naturel'. Quand, le mercredi 3 octobre, à 10h30, les équipages
commencent à gruter leur bateau à l'eau pour gagner le 'start',
la mer est d'huile. Au dernier moment, les prétendants à
la victoire équipent donc leur monstre des plus grandes hélices
disponibles, celles qui donnent la démultiplication la plus longue
et permettent d'aller le plus vite dans ces conditions. La Méditerranée,
se montrant soudainement agitée, va devenir particulièrement
dangereuse avec des vagues et des 'trous'. Le deuxième paramètre
mortel est le bateau. L'année précédente, le mari
de Caroline avait décroché le titre mondial sur le Gancia
di
Gancia aux Etats-Unis, un grand monocoque de 14 mètres, plus
lourd (et donc plus sûr) mais propulsé par un biturbo Diesel
de 32 litres de cylindrée. Or, l'union internationale de motonautisme
a modifié les règlements quand à la course, rabaissant
la cylindrée des diesels devenus imbattables à 24 litres,
soit à peine 50 % de plus que le maximum autorisé pour les
moteurs essence (16000 cm3). Pour continuer à être compétitif
en diesel, ce que souhaitait Stefano (et son sponsor: les jeans 'Diesel'),
il lui a donc fallu au dernier moment changer de bateau, au profit d'un
plus léger, de façon à conserver le même rapport
poids-puissance. D'où l'achat du Pinot di Pinot (12 mètres)
également dû aux coups de crayon de Fabio Buzzi. Ce dernier
n'était pourtant pas satisfait de ce choix, il a affirmé
"avoir mis en garde Stefano contre ce bateau top vieux, trop léger
et trop dangereux, sur lequel on ne pouvait pas adapter ces cellules de
survie éjectables". Mais Stefano, qui avait le sentiment d'avoir
remporté le titre l'année précédente, en grande
partie grâce à la qualité de son matériel, voulait
prouver qu'il pouvait récidiver avec n'importe quel bateau, quitte
à prendre au moins autant de risques que les autres pilotes. Quitte
à se sacrifier. Stefano Casiraghi, sans connaissance et bloqué
dans le bateau, s'est-il noyé ? Non, sa tête émergeant
cinquante centimètres au-dessus du capot en Plexi a vraisemblablement
heurté violemment la surface de l'eau devenue aussi dure que du
béton, lorsque le Pinot di Pinot est parti en glissade sur
son côté. Son cerveau détruit sous le choc... Quand
le bateau a commencé à s'enfoncer dans l'eau et avant que
les secours ne viennent, il était sans doute déjà
mort depuis quelques secondes. Catherine Giroux, veuve de Didier Pironi,
rendit par la suite un hommage à Stefano: "Didier et Stefano avaient
sympathisés en champions loyaux. Et fraternels. Mal accueilli dans
un milieu sans concession, il avait su gagner la confiance des plus endurcis.
Et d'ailleurs, il commençait à gagner tout court et à
voler sur les vagues. Plus récemment j'avais revu Stefano à
Saint-Moritz. Il serrait sa petite fille dans ses bras. Nous nous
sommes parlé et c'est là que nous avons pensé devoir
nous rappeler. Un jour, c'était au printemps, il m'a dit: 'La Formule
1 n'a même pas honoré le souvenir de Pironi. C'est injuste.
Il n'y a ni circuit, ni grand prix, ni même tribune à son
nom. Pourquoi ?'. Je n'ai pas su quoi répondre. Alors, il a enchaîné:
'Eh bien ! Moi, en off-shore, je vais créer une coupe Didier Pironi'.
J'en étais émue, mais pas surprise. Un an après la
mort de Didier, Stefano avait tenu à se rendre à l'île
de Wight. Et il avait lancé une couronne à la mer. Un hommage
inattendu et symbolique, mais bien dans sa vraie nature. Oui, Stefano c'était
l'élégance du geste. Et la classe. Il se savait privilégié
et répétait: 'J'ai une femme sublime et des enfants radieux.
Tout me sourit !'. Mercredi midi, je passe devant la télé.
Elle est allumée et branchée sur la Cinq. Il est 13h20. La
voix du présentateur Jean-Claude Bourret me glace: 'Une dépêche
nous apprend que Stefano Casiraghi le mari de Caroline de Monaco aurait
trouvé la mort dans un accident d'off-shore'. Je reçois une
claque. Une claque qui me projette trois ans en arrière. Je suis
comme folle. Je me répète: 'Ils sont cinglés ! Ils
sont beaux ! Ils sont jeunes ! Ils sont brillants ! Mais qu'est-ce qu'ils
ont tous à se foutre en l'air !'. Et je revois Didier. Comme au
jour où il est parti. Comme au jour où on l'a porté
en terre. A l'église, il y avait un curé formidable, le père
Vinceleu. Il a eu ce mot qui reste à jamais en moi: 'Nos ailes se
brûlent au soleil de la gloire. Même quand on vit avec une
étoile dans la tête, on rencontre un jour son destin'. Cette
parole m'avait fait lever les yeux. Elle soulignait que malgré nos
rêves les mieux achevés, nous restons des humains. Je pense
aussi à Caroline. Là, il n'y a plus de princesse, juste une
femme. Comme toutes. Comme moi. Et la voici, encore brutalement fauchée
par la vie. Je voudrais trouver pour elle des mots lui permettant
de faire face. Je pense à ceux de Jacques Laffite, écrivant
pour Didier mais aussi pour Bernard Giroux et Jean-Claude Guérard
morts à ses côtés: 'Je les revois, mes trois copains.
En plein bonheur... Y avait-il un reflet sur la mer pour les tromper ?
D'une certaine façon, ils ont vaincu... '. Tout à l'heure,
devant le trop-plein d'images fortes qui cinglaient ma mémoire,
je suis allée marcher dans la forêt. Seule. Et je me suis
réfugiée auprès de mes trois enfants: Arnaud, sept
ans, et les jumeaux, Gilles et Didier, nés cinq mois après
que Didier nous ait quittés. Didier n'était pas le père
d'Arnaud, mais Arnaud aimait Didier comme un père. Il avait quatre
ans lorsqu'il est parti sur sa vague. Il ne s'en est pas tout à
fait remis. Et aujourd'hui, il continue à s'inquièter pour
moi. C'est vrai, Didier reste en moi. J'ai de mal à avancer sans
lui. Mais heureusement, ils sont auprès de moi, tous les trois.
Ils sont là eux aussi, tous les trois également, auprès
de Caroline: Andrea, Charlotte et le petit Pierre. Ils ont grandi auprès
de leur père comme tous les enfants ou presque. Et son absence va
terriblement peser. Je le sais. Pour eux trois et pour elle, Stefano avait
décidé de renoncer à la compétition. Il me
l'avait confié voilà un mois à peine. Puis il avait
glissé, comme pour s'excuser: 'Ce sera juste après les championnats
du monde. Cette année, ils se disputent à Moncao. Chez nous.
Vous comprenez, je n'ai pas le droit d'arrêter avant'... Avant !
La vie vient donc de les frapper avec un raffinement d'ironie et de perversité,
le matin prévu pour la dernière course. A 13 heures, Caroline
est à Paris quand son amie Inès de la Fressange fait une
apparition soudaine: 'Il y a eu un horrible accident. Le bateau de Stefano
s'est renversé '. 'Et Stefano ?' lui demande Caroline, d'une voix
brisée. 'Mort', répond Inès en lui posant une main
qui se veut réconfortante sur l'épaule. Elles quittent la
capitale peu après. La photo des deux femmes ensemble dans une voiture
qui les mène à l'aéroport est poignante. Inès
tente de soutenir son amie en larmes et crispée de douleur. A bord
d'un jet privé jusqu'à Nice, puis en hélicoptère
jusqu'à Monaco, Caroline arrive à 17h30 en Principauté
où elle est accueillie par son frère Albert. Sous un ciel
bas et lourd, elle gagne dès le soir l'Athanée du cimetière
de Monaco et demeure près d'une heure auprès de son époux.
Ce 3 octobre, la Méditerranée va se souvenir qu'elle a inventé
la tragédie et les femmes en noir, celles-là qui depuis célèbrent
la mort sur ses rivages, à long cris ou à longueur de silence.
Dès le lendemain, Monaco vit au ralenti. Les drapeaux monégasques
sont en berne, le récit du drame semble être sur toutes les
lèvres, tandis que des fleurs et des messages de sympathie envoyés
des quatre coins du monde affluent pendant toute la journée au palais
princier. Amis connus ou anonymes, chefs d'Etat ont tenu à s'associer
à la peine de la princesse Caroline et de sa famille. Alors que
la pluie tombe sans discontinuer sur la Principauté, la princesse,
vêtue de sombre et soutenue par les parents de Stefano, M. et Mme
Giancarlo Casiraghi, vient se recueillir à nouveau en fin de matinée
auprès de son époux, à l'Athanée du cimetière
de Monaco. C'est là qu'il repose, vêtu de sa combinaison rouge
et blanche de pilote, dans un cercueil d'acajou. Seule trace de blessure
apparente sur son visage, une fine coupure au niveau d'un oeil. En ce jour
d'octobre 1990, Stefano, qui avait commencé la compétition
off-shore six ans plus tôt en 1984, en était à sa 80ème
course. 'Si quelque chose arrive, c'est que cela devait être ainsi
...'. Il en avait gagné douze, dont le titre de champion du monde
en 1989, et il avait voulu flamber une dernière fois, chez lui,
à Monaco.
Deux jours après sa mort, Rainier a pris en main le déroulement
des obsèques. Au terme de la cérémonie, l'inhumation
aura lieu en présence de la famille princière dans le jardin
de la chapelle de la Paix. Un élégant sanctuaire à
l'architecture élancée construit en 1863, qui se dresse à
l'entrée de Monaco-ville, sous les frondaisons de l'avenue des Pins
conduisant à la place du palais. Dans ce site sacré, des
dalles de granit sombre abritent les dépouilles de plusieurs membres
de la famille princière. Parmi eux, le prince Pierre, père
de Rainier III, John Gilpin, époux de la princesse Antoinette, et
l'une des filles de celle-ci, Christine-Alix de Massy, disparue en 1989.
Le prince Rainier a imposé le respect de la plus stricte intimité
pour cet ultime rendez-vous. Caroline, elle, assiste dans la matinée
à la fermeture du cercueil de son mari. Effondrée, presque
hébétée. Après cette brève mais très
douloureuse épreuve, le corps est transporté au palais dans
une limousine grise escortée par les motards de la sûreté
publique. Le cercueil d'acajou est déposé en la chapelle
palatine, située au fond de la cour d'honneur envahie par une multitude
de gerbes, mais aussi de couronnes et de modestes mais très touchants
bouquets. Vers midi, le père César Penzo, chapelain du palais
princier, célèbre l'office religieux. Un peu plus tard, alors
que la famille princière se retire dans ses appartements, la relève
de la garde a lieu sur la place du palais. Les carabiniers apparaissent
avec un brassard noir sur leur tenue immaculée tandis que la foule,
nombreuse, est contenue par un service d'ordre renforcé. Pas de
musique pour cette relève. Seuls deux tambours et deux trompettes,
crêpés de noir, sonnent le garde-à-vous. Un cérémonial
réduit à son minimun, en triste harmonie avec l'atmosphère
générale de cette journée d'adieux. Puis, dans la
soirée, nouvelle veillée de prières autour de la dépouille.
Dans la journée, un appareil hélicoptère de Monacair
a largué une couronne de fleurs sur le lieu de l'accident. Le jour
des funérailles, la mer est calme, et la grande croix d'or que Caroline
porte autour du cou sur son austère robe noire scintille au soleil.
En grand deuil, abritée derrière des lunettes de soleil,
la princesse se cache sous une lourde mantille de dentelle qui lui retombe
sur les épaules. Entourée de son père et de son frère,
avec sa soeur juste derrière elle, elle gravit les marches de la
cathédrale vieille de cinq siècles tandis que les porteurs
sortent le cercueil de la Mercedes grise. Caroline semble défaillir.
Son père resserre son étreinte et sa soeur s'approche. Comme
cassée par son deuil, Caroline avance, la tête haute, mais
comme emportée en arrière par la douleur. Noyée dans
son chagrin, on la dirait comme étouffée, la bouche ouverte
vers la voûte pour chercher l'air ... La jeune femme se reprend immédiatement
et les Grimaldi avancent dans la rangée de couronnes mortuaires.
Quatorze carabiniers, les gardes du palais, dans leur uniforme blanc de
cérémonie, montent la garde d'honneur tandis que le cercueil
entre dans la cathédrale, sous les yeux d'une assemblée de
plus de sept cents personnes.
Les Grimaldi occupent la première rangée de prie-Dieu. Dans
l'odeur des cierges, la messe de requiem est dite par Mgr Joseph Sardou,
archevêque de Monaco. A la fin de la messe, dans l'allée centrale,
passe le cercueil d'acajou. Stefano est couché dans ce navire pour
l'éternité. Sur son coeur, sa femme a déposé
un bouquet d'orchidées violettes. Au palais, après les obsèques,
seuls quelques amis sont reçus. La famille princière est
revenue du jardin de la Paix, près de la chapelle de la Visitation.
L'inhumation s'est déroulée dans la discrétion et
la dignité. Maintenant, les quelques invités attendent dans
une cour décorée de belles fresques murales. Ils doivent
déjeuner avec la princesse Caroline et les deux familles. En haut
de l'escalier, pour recevoir leurs hôtes, le prince Rainier est là,
entouré de ses enfants, de noir vêtus. Ils donnent le spectacle
poignant de leur douleur partagée. Malgré cela, Caroline
est attentive et tente d'avoir un mot pour chacun. Les invités pénètrent
dans les deux salles à manger et se dispersent, laissant respectueusement
à la grande table centrale les Grimaldi et les Casiraghi. Caroline,
happée par son malheur, ne cessera de murmurer: 'Mais qu'est-ce
que je vais faire maintenant ? Qu'est-ce que je vais faire ?' .
Le lendemain, il faut faire face à la réalité, face
à ses enfants qui sont désormais sa vie et qui l'obligent:
Andrea, Charlotte et Pierre confrontés à une grande absence.
La princesse se souvenant de l'enterrement de Grace n'a pas voulu la veille
que ses enfants assistent au service religieux. C'est doucement, dans les
jardins du palais, sans orgues ni couronnes, qu'Andrea apprendra avec sa
soeur et son frère que son père, qui aimait trop les sensations
fortes, ne viendra plus jamais courir avec lui dans les jardins de son
royaume. Caroline est anéantie. Pendant plusieurs semaines, le même
masque semble figer le visage de la jeune femme. Il ne reste pour l'instant
d'elle qu'une femme brisée qui trouve pourtant encore la force d'affronter
ses devoirs. Mais la douleur, lorsqu'elle est rendue publique, photographiée,
est plus difficile encore à assumer. Et si la jeune femme jadis
rayonnante assumait plus facilement que son époux la rançon
de la gloire, il savait aussi la soutenir de sa présence solide
et tendre.
Un mois, jour pour jour, après le drame, elle rejoint ses beaux-parents
en Italie, pour une messe dédiée à Stefano. A Fino
Mornasco, sur les rives du lac de Côme, elle célèbre
le souvenir de son mari. Une foule importante l'entoure. Quand la princesse,
impressionnante avec sa mantille noire, reprend le chemin de sa voiture,
les villageois applaudissent, comme dans un antique théâtre
tragique, la fin d'un acte douloureux; Caroline éclate en sanglots.
En Principauté, son chagrin s'expose plus discrètement. Plusieurs
fois par jour, Caroline s'échappe de sa maison pour se rendre à
pied, à quelques minutes de là, à la chapelle de la
Paix. Elle va, anonyme, au milieu des cris des enfants et des touristes
qui ne la reconnaissent pas, se recueillir sur la tombe de Stefano. Elle
se rend par la ruelle des Ecoliers en cet oratoire, restauré et
rendu au culte en 1964. Dans la chapelle de la Paix, abritée des
regards indiscrets par des cyprès et des rosiers grimpants, elle
se laisse envahir par une douce sérénité. La fraîcheur
intérieure et la qualité du silence rapellent, au-dessus
de ces tombes confondues avec le sol, la compassion des absents. Après
s'être recueillie, Caroline sort sous un soleil éclatant,
le regard toujours dissimulé derrière ses lunettes noires.
Pendant l'année qui suit la mort de son mari, Caroline ne semble
toujours pas émerger du deuil strict qu'elle s'est imposé.
Dans un geste rituel, elle a coupé sa chevelure abondante, renoncé
à tout maquillage et s'est habillée de manière austère,
en opposition totale avec sa flamboyance d'autrefois. Son visage est amaigri,
resculpté par le deuil. Plus grave pour les monégasques,
elle ne semble pas vouloir reprendre le rôle de Première Dame
du pays. Quand les photographes parviennent à lui arracher une image,
elle montre un visage sombre. Un psychanaliste y voit "le double signe
du deuil et de la mutilation. En perdant son mari, Caroline a réagi
comme une femme de la Méditerranée. Outre le port de la couleur
noire, celui des lunettes, l'absence totale de bijoux, à l'exception
de son alliance, elle a, en coupant ses cheveux, mis sa douleur en évidence.
Son seul désir est qu'on la laisse tranquille. Si elle a accepté
d'être moins séduisante et adopté cette coiffure, c'est
qu'elle souffre. Sachez, semble-t-elle dire, que je suis privée
d'une partie importante de ma vie. Elle s'affiche donc comme veuve, et
le signifie aux autres". La tragédie personnelles de Caroline voile
de noir la Principauté. Enfermée dans sa souffrance, Caroline
transmet à Monaco son chagrin lancinant. Pendant de longs mois qui
ont passé aux yeux de tous comme des mois de réclusion, elle
s'est retirée du monde. Elle n'entrevoit pas encore le rai de lumière
qui fait espérer. Au mieux, elle se predit 'un avenir mélancolique'.
Et le tumulte qui assourdit le Golfe et la planète la conforte dans
son désir de solitude.
La paranthèse du veuvage semble s'éterniser. Caroline paraît
murée dans sa peine et son chagrin. Toutefois, sa jeunesse, son
amour de la vie et les sollicitations dont elle est l'objet, l'arrachent
peu à peu à l'abattement. Elle accompagne son père
et ses enfants pour des vacances aux Caraibes. Elle renoue avec les projets
de son cher Stefano. Elle fait faire terminer les travaux de réfection
du yacht acheté par son mari, baptisé Pacha III (P
comme Pierre, A comme Andrea et CHA comme Charlotte), et surtout s'éprend
de la Provence au point de faire de Saint-Rémy-de-Provence sa résidence
principale. C'est Stefano lui-même qui était tombé
amoureux de cette contrée découverte du haut du ciel, à
bord d'un hélicoptère. Il faisait souvent des repérages
en survolant la région à la recherche de terrains pour ses
projets de villages touristiques. Quelques jours après s'être
épris de Saint-Rémy, il y avait conduit Caroline qui a tout
de suite partagé son enthousiasme. Passionnément, ils se
sont mis en quête d'une maison pour y connaître ce qui n'est
pas donné sans mal aux princesses: des jours de calme.
Très vite, on leur indique une propriété avec un mas
très ancien dans un endroit tranquille et romantique entouré
de haies de canisses et de cyprès. Certe, la bastide a besoin d'être
rénovée et le propriétaire refuse de vendre. Cela
n'empèche pas Stefano et Caroline de signer un bail de quatre-vingt-dix-neuf
ans et de connaître ces moments incomparables où deux personnes
qui s'aiment élaborent les plans de leur future maison. Mais après
la mort de Stefano, le beau rêve semble écroulé. Or,
c'est en étant fidèle au souvenir de Stefano, en reprenant
leur rêve brisé, que Caroline parvient à émerger
de sa torpeur. Pendant des mois, elle s'échappe en secret à
Saint-Rémy. A la fin février, cinq entreprises sont chargées
du chantier. La princesse visite les antiquaires de la région, se
promène avec ses enfants. Elle a acheté un minibus pour courir
les routes. C'est une autre Caroline qui se déploie tout doucement
sous le noir cocon du désespoir.
Le Mas de la Source va faire des miracles. Une vieille légende ne
dit-elle pas que la source qui coule dans le jardin du mas est miraculeuse,
qu'elle guérit un certain nombre de maux et qu'elle posséderait
même des vertus aphrodisiaques ? Ultime souvenir du passé
outre Saint-Rémy et Pacha III: le cheval Wintestown. Stefano
avait acheté soixante millions de lires, soit environ trois cent
mille francs, dans un haras de la région milanaise, ce magnifique
animal à robe baie, d'origine irlandaise. Il ne savait pas alors
qu'au-delà de sa mort son cadeau témoignerait de l'immense
amour qu'il portait à son épouse. Les chevauchées
de deux ou trois heures dans la campagne méditerranéenne
sont alors pour Caroline le moyen de se recueillir dans le souvenir de
Stefano. Elles lui permettent aussi de renouer avec la simplicité
des gestes les plus anciens.
Lui restent aussi et surtout ses trois enfants, meilleur soutien et force
d'amour. Ils sont sa joie, son avenir, mais ils ravivent aussi sa douleur.
Chez Andrea, elle retrouve non seulement les traits, mais les attitudes,
les mimiques de Stefano, comme parfois chez Pierre. Il faut aussi qu'elle
explique, qu'elle tente de faire comprendre qu'il ne reviendra plus. Andrea
ne pose plus de questions, Charlotte interroge et cherche les photos, les
objets qui peuvent lui rappeler son papa, Pierre pense toujours que sa
disparition n'est que provisoire. Afin de ne pas les couper de leurs racines,
elle leur parle parfois italien, comme le faisait Stefano. Ils voient aussi
régulièrement leurs grands-parents Casiraghi, dont ils portent
le nom.
Sa première vraie sortie, Caroline la fit pour se rendre à
Fino Mornasco où elle assista à la communion d'une nièce
de son époux, Fernanda. Quelques semaines plus tard, elle était
également présente au mariage de la nurse de ses enfants
à la cathédrale de Monaco, pourtant symbole de tant de souvenirs
dramatiques. Caroline semble alors à la croisée des chemins.
On sent qu'elle va peu à peu quitter le voile de la tragédie
pour retrouver le goût de la vie, le goût de plaire, d'être
une femme qui veut vivre et être aimée. Celle à qui
les astrologues de tous bords, penchés sur le berceau de sa destinée,
ont prédit que: 'Son sens de l'honneur, du devoir qui hisse haut
le sentiment de soi-même, l'invite à n'aimer que celles ou
ceux qui, animés d'un feu exigeant, sont portés par un souffle
intérieur, au mépris des dangers et des compromissions'.
Pourtant, malgré un léger mieux, elle continue de bouder
Monaco et ses fastes. Et, sans elle, le Rocher vit au ralenti. Caroline
ne trouve de sérénité qu'auprès de ses enfants
et d'une poignée d'amis fidèles comme Robertino Rossellini
ou Fanny Ardant. Ses enfants sont désormais sa priorité absolue.
Elle se montre très attentive, veille sur eux au quotidien et tente
de leur faire oublier qu'ils n'ont plus de père. Malgré tout,
Andrea, son fils aîné, semble très marqué. Il
nécessitera d'être suivi pour parvenir à surmonter
ses angoisses et son chagrin. Pour eux, Caroline souhaite une nouvelle
vie. Et Saint-Rémy-de-Provence constitue un refuge idéal.
Le Mas de la Source est une bastide comme on en trouve des dizaines en
Provence. La façade, en vieilles pierres couleur miel, s'ouvre sur
un jardinet de gravier qu'ombragent des arbres vénérables.
Devant et derrière la maison, les paysans cultivent encore leurs
vergers d'abricotiers. Dans cette demeure du XVIIe siècle, rénovée
par le décorateur Jacques Grange, Caroline a inventé un art
de vivre. "Je voulais en faire une maison facile, se souvient J. Grange,
surtout pas prétentieuse. Je me suis enthousiasmé pour ce
mas à cause de sa vue magnifique sur les Alpilles. Où que
le regard se tourne, il se pose sur un tableau de Van Gogh".
Les maisons sont portées par des lieux. Celle-ci est privilégiée,
son horizon est lointain, rythmé par des cimes sur lesquelles parfois
la lumière s'amuse. Bâtie en angle, adossée à
une colline, la demeure s'ouvre sur le jardin. Pas d'allée tracée,
pas de gazon tondu, mais une table en bois qui passe l'hiver dehors, des
chaises invitant au farniente, des arrosoirs pleins d'eau tièdie,
une planche posée sur des tréteaux sur laquelle on déjeune
dès le matin. L'air embaume le thym et la lavande.
Loin d'être une étrangère, Caroline a une raison bien
à elle de se sentir chez elle à Saint-Rémy. Si elle
est avant tout princesse de Monaco, elle est également
Dame des Baux et de Saint-Rémy-de-Provence, par la vertu d'un titre
appartenant à sa famille depuis le milieu du XVIIe siècle.
Caroline avec Andrea, Charlotte et Pierre s'enracinent donc au coeur de
la Provence. Ils y ont leurs habitudes de Saint-Rémois: les courses
rue Lafayette, les journeaux à la Maison de la Presse, le fleuriste,
les jus de fruits au Café des Arts ... La presse anglo-saxonne finit
même par baptiser Caroline 'Princesse Provence'. Caroline adore la
vie quotidienne simple du village. Les soeurs Sat, qui tiennent le magasin
d'alimentation sur la place de la mairie, racontent: "La première
fois que la princesse est venue ici, elle était accompagnée
de son fils aîné. Je lui ai dit: 'Il est mignon, votre gosse'.
Et à l'enfant: 'Toi, mon garçon, tu vas porter la salade'.
La princesse a éclaté de rire. Alors j'ai compris mon audace
... Vous voyez ma gêne !". C'est ça, cette simplicité
extrême de Caroline qui plait aux habitants du village.
La vie tournait avec naturel et authenticité avant elle, maintenant
qu'elle est venue de son palais dans le petit village, elle se fond avec
grande discrétion et humilité dans ce quotidien. Caroline
se rend au marché provençal de Saint-Rémy tous les
mercredis matin. Lorsqu'elle est là, ses bambins fréquentent
le poney-club, Mas de Laudun, sur la route de Tarascon. Elle fait du vélo
en côte dans les Alpilles et fréquente seule le golf des Baux-de-Provence.
Selon un proche, "Si Caroline s'est installée ici, c'est parce que
c'est un endroit où il y a encore des basses-cours dans lesquelles
on voit des poules et des canard. Et elle veut que ses enfants voient ça".
Saint-Rémy est amoureux de Caroline. Comme toutes les mères,
elle s'occupe de sa maison, de ses enfants, les accompagne à l'école.
Elle suit attentivement les études d'Andrea, qui n'est pas particulièrement
bon élève. Elle s'entretient avec son maître, M. Jensel,
et la directrice de l'école, Mme Van Loo. Tout se passe très
discrètement.
La princesse est toujours accompagnée d'une jeune femme, son garde
du corps. Aux enfants est affecté un service de surveillance plus
important. Deux policiers monégasques en civil sont en permanence
devant les écoles. Quand les enfants entrent dans un magasin, un
policier attend à l'extérieur, un autre les accompagne à
l'intérieur.
Andrea est celui qui affirme le plus sa personnalité. Il revendique
déjà une forte autonomie et veut prendre seul les décisions
qui le concernent. Ce Gémeaux junior a pour meilleur ami un petit
Marocain, Nakrim, qui , lui, habite une HLM. Ils sont dans la même
classe et jouent au foot dans la même équipe. "Au foot, Andrea,
ce n'est pas une vedette ni une star. C'est juste le gardien de but", dit
Nakrim de son copain. Andrea est presque un petit garçon de Provence
qui se jette dans les bras de sa mère à la sorie de l'école
communale de son village, qui défile dans les rues de Saint-Rémy
déguisé en cow-boy à l'occasion du carnaval des enfants.
Un gamin moderne qui a compris que la vie n'est pas toujours un long fleuve
tranquille. Un enfant qui aime faire du vélo avec sa mère
et dont les passions sont le foot et le violon.
Charlotte, elle a déjà son propre style. Elle n'hésite
pas à affirmer ses désirs avec beaucoup d'opiniâtreté.
Déjà très féminine, cette petite princesse
a les pieds sur terre et ne se prive pas de caprices très terre
à terre. Elle aime autant grimper aux arbres ou faire toutes sortes
de bêtises que lire des contes de fées. Turbulente, véritable
casse-cou, audacieuse, elle a des comportements de garçon manqué
tout en étant petite fille jusqu'au bout des ongles, coquette, rêveuse,
douce, timide.
Ce qui frappe chez le petit Pierre, c'est son besoin de sécurisation,
sans doute amplifié par la mort brutale de son père. Il a
hérité de plusieurs traits de Stefano. Sérieux, il
adore se plonger dans les livres d'images. Chez ce natif de la Vierge (comme
Stefano), un talon d'Achille: le moindre bobo prend des proportions excessives,
le moindre retard devient catastrophique. Sa mère prend donc un
soin particulier de son petit dernier et l'entoure de beaucoup de son affection.
En les voyant vivre, Caroline doit souvent penser à cette phrase
que sa mère Grace de Monaco, avait dit un jour à propos de
son frère Albert: "Tu ne seras jamais un enfant comme les autres...
". Caroline, elle, est parvenue à faire de ses enfants des enfants
comme les autres, qui ne frôlent qu'épisodiquement les ores
du palais de Monaco. Il n'y a pas un soir que Caroline n'aille raconter
à ses petits une histoire pour s'endormir. Elle invente alors des
contes fantastiques dont les héros sont des enfants, comme eux.
L'authenticité a pris le pas sur le paraître. Sa quête
du bonheur a fini, semble-t-il, par porter ses fruits...
Son jardin de Saint-Rémy est un rayon de soleil. Il est l'objet
de tous ses soins et elle ne cache pas le plaisir qu'elle éprouve
à suivre le précepte de Voltaire. Ce jardin qui est le sien
a des odeurs de thym, lavande ou romarin, et des éblouissements
de pistache, jaune citron ou rose. Les lauriers taillés voisinent
avec des arabesques de santolines grises, les terrassses à l'italienne
peuplées d'acanthes se mélangent avec les rosiers. Tout cela
est joliment ordonné de même que l'indispensable potager quadrillé
d'allées qui ressemble à celui d'un monastère dédié
à la nature...
Il est préférable pour le moment que Caroline reste dans le nid au creux duquel elle a retrouvé la sérénité après sa déchirante histoire avec Stefano. Elle reste fragile. A Monaco, trop de souvenirs lui rappellent le passé et les jours heureux perdus à jamais. La jeune femme a fait le choix d'un bonheur préservé par les murs de pierre d'un mas provençal. Celui d'une femme dont la vie est résolument tournée vers l'avenir et qui, sans renier ses fêlures, proclamerait le triomphe de la vie. Celui d'une mère qui a choisi d'élever ses trois enfants loin du bruit et de la fureur du Rocher, en ne négligeant cependant pas de leur laisser en héritage les valeurs d'une famille princière; et la mémoire d'un père, Stefano Casiraghi.
Et aux petits Casiraghi de reprendre le chemin de l'école communale de Saint-Rémy, quelque part, dans un coin de Provence...
Biographie de STEFANO
CASIRAGHI,
terminée
le 15 septembre 1999.